Article dans La Vie n°4105 du 2 mai 2024 - 3
Govindha a intégré l'association à l'âge de 5 ans. Aujourd'hui, à 28 ans, il possède deux cafés à Calcutta.
Saghir donne des cours particuliers d'anglais aux garçons du Vivek Home.
Accompagner autrement
« Sans l'association, aujourd'hui, je serais probablement en prison, drogué sur le sol d'un quai de gare… ou mort », reconnaît Govindha, 28 ans, accoudé au comptoir de son propre café. Cheveux ébouriffés, sourire éclatant, ce jeune marié a ouvert deux établissements dans la ville. Pourtant, rien ne le prédestinait à un tel avenir. « Quand Fabienne m'a repéré dans la gare, elle pensait que j'étais une fille, dit-il en souriant. Je portais une robe déchirée que j'avais trouvée dans les poubelles. » « Maintenant, j'appartiens à une grande famille et je vais fonder la mienne. J'ai l'impression d'avoir eu deux vies », conclut-il.
Véritable figure maternelle pour les garçons, Fabienne prodigue un soutien et un accompagnement qui vont bien au-delà du cadre scolaire. « C'est comme si Auntie (« tata », Fabienne, ndlr) avait 40 enfants ici », s'amuse Saghir. « Elle (Fabienne) croit plus en nous que nous-même », reprend Rabi, brandissant fièrement sa certification de français. Il a grandi au sein de l'association, et l'influence de la culture française de la fondatrice a été une véritable source d'inspiration pour lui et les autres. Rabi a décidé d'apprendre le français grâce à des cours du soir et s'en sert quotidiennement dans son travail en hôtellerie.
Depuis 2013, l'association a cessé d'accueillir de nouveaux enfants pour se concentrer sur ceux déjà présents au foyer. Tous ont grandi et les derniers garçons sont à l'After Care. Cependant, au travers de projets parallèles, l'association continue d'œuvrer régulièrement auprès des familles et des jeunes défavorisés.
Dans le cadre du projet « Courte Échelle » - dédié aux enfants extérieurs à l'association -, Fabienne intervient dans des bidonvilles ou des villages. Dans celui de Ghutiari Sharif, à quelques kilomètres de Calcutta, Begam partage une minuscule demeure délabrée avec son mari et quatre enfants. En l'absence de documents d'identité, les jeunes ne peuvent pas aller à l'école du village. L'association facilite leur intégration et fournit un soutien financier et matériel. De même, avec le programme Vivek Home, elle continue, dans un autre foyer, d'accompagner une dizaine de garçons âgés de 5 à 13 ans.
Entretenir le cycle de la solidarité
Tous les garçons secourus par l'association reconnaissent l'aide dont ils ont bénéficié, et certains reprennent le flambeau à leur manière. « Il y a un an, ils ne connaissaient pas un mot d'anglais », lance Arman, en regardant quatre enfants qui s'affairent sur leurs cahiers d'activité. Deux fois par semaine, dans une minuscule habitation d'un bidonville de Calcutta, il vient donner des cours d'anglais à ces enfants soutenus par l'association.
Sortis de la rue, alors qu'ils pensaient y être condamnés, ces garçons sont conscients de l'opportunité qui leur a été offerte de changer leur histoire, et s'engagent, comme ils le peuvent, à perpétuer cet élan. ●
Texte et photos Lily Chavance
*Adaptation au format internet et/ou résumé - La mise en page originale n'a pas toujours pu être conservée*