Bulletin n° 7 - Les Galopins de Calcutta
Juillet 1999

 

La mousson est arrivée depuis mi-juin et nous a délivrée des grosses chaleurs. Il pleut tous les jours, mais non de façon continue. Heureusement, car déjà les rues s'inondent à une vitesse impressionnante.

Sur l'une des plus chics artères de la ville, une petite fille vient de naître. Ses parents lui ont installé une mini moustiquaire sur le trottoir et souvent je la vois dormir sur son bout de tissu, bien loin de toute préoccupation.

Pour ma part les mois derniers ont été plus que surchargés. Je ne savais pas toujours où donner de la tête mais tout avance puisque le 1er foyer est créé.

Revenons tout d'abord en arrière pour vous apprendre que Bablu, le 1er galopin, s'est enfui 10 jours après son arrivée. Cet enfant s'est vite révélé très perturbé et quelques jours après son admission, il disait vouloir retourner à Delhi. Malgré nos recherches, je n'ai eu jusqu'à ce jour aucune nouvelle de lui. Nous avions également accueilli Prakash. Au contraire de Bablu, il était d'un calme presque dérangeant. Cet enfant a déjà beaucoup souffert et je regrette vraiment que lui aussi ait décidé de partir. Nous ne nous expliquons pas son départ car il commençait à communiquer, à sourire, à rire. D'après ce qu'il nous a dit, sa mère serait décédée il y a longtemps. Il y a quelques années il s'est fait mettre à la porte par sa belle-mère et s'est retrouvé dans un foyer du gouvernement. Il a aussi parlé d'abus sexuels, mais nous ne savons pas si c'est à la gare ou avant. Parti le 26 juin, nous ne l'avons pas revu. Thierry me disait que c'est très fréquent que les enfants partent ; tout leur passé, aussi noir puisse-t-il être, est ailleurs et il leur est difficile de tirer un trait brutal sur tous leurs points de repères, leurs habitudes, leurs amis de galère...

Les bonnes nouvelles :

Le premier foyer a donc ouvert ses portes le 5 juillet avec l'arrivée de Sanjay, 10 ans. C'est un petit logement et dans un premier temps nous y accueillerons 3 à 4 enfants. Nous prendrons un logement plus grand dès que possible. Celui de Thierry se libérera peut-être en août.

Sanjay est un enfant que nous rencontrons depuis longtemps à la gare. Ces derniers temps, il s'était beaucoup rapproché de nous et réclamait toujours pour venir avec nous. Il était toujours très déchirant de partir car il nous accompagnait jusqu'au bus et nous faisait des signes de la main assez tristement. Arrivé au foyer le 5 juillet, il est le roi. Il a passé ses 2 premières journées à jouer (billard indien, puzzle, cartes, ballon... ) Souhaitons lui une bonne adaptation.

J'ai embauché une jeune femme, Mouna, qui reste 24/24 H au foyer. Elle a pour charge de veiller à ce que tout se passe bien et à être présente pour les enfants. Son salaire équivaut à 200 FF par mois.

Une autre femme vient 2 fois par jour pour la cuisine et le ménage (salaire = 75 FF par mois).

Quant à Sonu, il est de plus en plus efficace à la gare et se montre d'une grande patience avec les enfants. Il a réellement bien su entourer Sanjay à son arrivée. Il fait son travail avec cœur et m'a demandé hier s'il ne pouvait pas être embauché à plein temps. Il sait en effet que je recherche une personne polyvalente pour la gare et le foyer. Cela m'intéresse: à suivre.

Les autres enfants :

J'ai rendu visite à Kumar (cf n° 4). Il est à Don Bosco où tout se passe bien pour lui. Son compagnon de route, Alicasha, par contre vient de s'échapper de son foyer.

Nous rencontrons régulièrement Raju (cf n° 4) avec toute sa bande. Ils travaillent tous les jours. Ce sont vraiment de pauvres gosses et ils n'ont pas toujours à manger à leur faim. C'est un festin quand nous leur offrons une boisson épaisse à base de lentilles.

Kasim n'est pas revenu à la gare (cf n° 5)..

Muni est sortie de son silence et participe maintenant à la vie du foyer où elle vit (cf n° 6).

Namad, 6 ans, vient d'arriver à la gare. Il vient d'être chassé de chez lui où il n'y avait pas assez à manger. Il est arrivé vraiment très sale avec seulement une petite culotte pour tout habit. Nous lui avons proposé d'intégrer notre projet mais il a refusé. Très actif, il a déjà sa bande de copains et est sûrement en train de mener une vie bien plus amusante que celle qu'il connaissait chez lui. Nous allons continuer à le suivre en espérant sortir cet enfant de cet univers où de mauvaises surprises l'attendent probablement (maladies, abus sexuels, exploitations par des plus grands... la liste est malheureusement longue).

Nous rencontrons Rajokumar, 8 ans, à Sudder Street (la rue des touristes) accompagné d'un tout petit (environ 1 an). Il nous raconte qu'ils sont frères et qu'ils n'ont plus personne, que les parents sont morts dans un incendie. Les deux compères ne se ressemblent absolument pas et Sonu croit reconnaître le petit Raoul de la gare. Nous nous y rendons aussitôt et apprenons que Raoul a disparu. L'enfant est raccompagné près de sa mère. Nous n'avons pas su pourquoi Rajokumar avait pris l'enfant mais sûrement pour mieux mendier ou alors peut être était-il trop seul. La façon dont il prenait soin du petit était très émouvante. Quelques jours après cette histoire, il va de lui même à Don Bosco. J'espère le revoir bientôt.

Nous rencontrons une gitane tenant dans les bras un bébé squelettique. Le pauvre enfant n'a pas un sourire et son regard semble avoir accepté la fatalité, c'est-à-dire sa mort. Il est de plus tuberculeux, ce qui physiquement le fait vraisemblablement souffrir. Nous tentons plusieurs centres, mais l'enfant est refusé. Nous terminons à l'hôpital, mais la mère refuse catégoriquement de laisser son enfant bien qu'elle sache qu'il va mourir. je trouve une autre solution, mais la mère ne vient pas au rendez-vous.

La liste de ces courts compte-rendus sur les enfants pourrait être longue...

Les contacts avec les volontaires :

Une petite association française est intéressée par notre projet et va étudier notre dossier (le mien + celui de Thierry). Il est possible que nous obtenions une aide financière pour 2 ans.

Antoine, Joël et Séverine, tous trois suisses veulent créer un petit groupe de soutien à leur retour. Merci beaucoup à eux.

Sylvain et Sylvaine, français, aimeraient diriger leur carrière vers l'humanitaire et se sont montrés intéressés par le projet.

Jim (Angleterre), Tomoko (Japon), Anne-Marie (France), Sylvain et Sylvaine ont donné une participation financière. L'argent de James a été utilisé pour l'achat de jeux pour le foyer.

Anne-Charlotte (Française) a offert un lecteur de cassettes.

Une espagnole qui est là jusqu'en novembre devrait venir à partir de la semaine prochaine pour animer un atelier dessins-collages 2 fois par semaine.

Quant à moi, voilà 7 fois que je me rends à l'université et je ne sais toujours pas si je suis admise. Les cours devaient commencer en juin, puis en juillet... C'est un vrai cauchemar administratif et je pense que je vais finir par apprendre le Bengali avec les enfants.

En France :

Thierry et Laurence continuent de travailler sur Internet et le site devrait être prêt dans un mois.

Mes parents sont très actifs et prennent contact avec beaucoup de gens. Ils ont participé à une foire à tout et les bénéfices (800 FF) sont pour l'association.

Éloïse doit élaborer une plaquette avec Pascale en août afin d'avoir une présentation professionnelle pour démarcher les entreprises sponsors. Plusieurs d'entre vous vendent des cartes/photos.

 

Merci à vous tous pour votre aide et pour les mots d'encouragement que je reçois.

Bonnes vacances à tous et à bientôt